Journal d'un marchand de rêves de Anthelme Hauchecorne

Année d'édition : 2016
Edition : Atelier Mosesu
Nombre de pages : 600
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture :
J'ai séjourné en hôpital psychiatrique. Pas de quoi fouetter un chat sauf lorsque, comme moi, vous êtes fils de stars. Par crainte du scandale, mes parents m'ont expédié loin d'Hollywood, dans la vieille Europe. Les meilleurs spécialistes m'ont déclaré guéri. En vérité, la thérapie a échoué. Les songes ont repris, plus dangereux que jamais. Malgré moi, je me trouve mêlé aux intrigues de puissants Rêveurs. Des gens charmants et bien décidés à m'éliminer, mais avec élégance. M'entêter serait totalement déraisonnable. Pourtant, deux plaies à vif m empêchent de tourner la page... La première est une fille. La seconde, une soif de vengeance. Je m'appelle Walter Krowley. Vous tenez mon journal intime. Prenez-en soin. Ce livre pourrait devenir mon testament...

La première page :


Mon avis :


Walter Krowley vit à Hollywood. Depuis des années, il tente de s'y faire une place et ce n'est guère facile lorsque l'on a comme lui, un père réputé et très bon acteur. Sa mère ? Partie trop tôt avant de se faire un nom dans ce milieu rude et impitoyable qu'est Hollywood. Heureusement, il y a Trevor Trump, son meilleur ami, celui avec qui il réalise les quatre cents coups. Mais lors d'une soirée trop arrosée, c'est le drame. Leur véhicule percute une autre auto, tuant ses passagers. Dès lors, Walter se sent coupable et commence à avoir des troubles du sommeil. Jusqu'à cette étrange nuit, où il se réveille dans une chambre qui n'est pas la sienne : bienvenue à Doowylloh...

Je suis l'auteur depuis ses débuts, (la tour des illusions) et plus je le découvre, plus je remarque son évolution, son amélioration, son imagination hallucinante. Ya un truc chez Anthelme qui le rend à part. Ne signature qui fait qu'on sait lorsqu'on le lit lui et pas un autre, sa marque de fabrique : ses romans ne peuvent pas être classés. Ce sont des inclassables de l'imaginaire. Vraiment. Tantôt Steampunk, tantôt horreur ou fantastique avec une touche de SF, on est dans un univers qui casse les codes et qui se veut à part.

J'ai eu un gros coup de cœur pour ce roman. Le carnaval aux corbeaux était un très bon roman. Mais très sincèrement, il ne possède pas ce truc en plus qu'à journal d'un marchand de rêves. Ce dernier fut une révélation me concernant et j'ai savouré chaque passage que ce soit l'Ever ou L'éveil. Tout dans ce roman était travaillé, réfléchi et abouti. Déjà, l'objet livre en lui-même, wahou ! L'atelier Mosesu a apporté un soin particulier à le rendre magnifique en partie grâce à cette couverture sublime et dans le thème !

On débute très vite avec Walter. Fils d'un célèbre acteur d'Hollywood, Walter a beaucoup de mal à se faire une place dans le milieu du cinéma. Pas en tant qu'acteur, mais producteur, seulement voilà Walter n'a aucune confiance en lui du fait que son père l'ignore et que sa belle-mère ne lui accorde que peu d'intérêt. Walter est donc un peu un monsieur tout le monde qui a commis des erreurs et qui tentent de se faire une place, et voilà qu'un jour, il se réveille dans l'Ever, ce monde qui est inconnu à la majorité des Humains mais où Walter va découvrir un univers effrayant, attirant et troublant.

«  Faille numéro un, mes parents.
Ils m'ont donné une éducation typiquement « hollywoodienne » synonyme ici de « démissionnaire ». Entre deux tournages, sur une page de leur agenda demeurée miraculeusement vacante, mes géniteurs ont trouvé un créneau libre pour interpréter, hors caméra, une scène de sexe dont je suis le résultat.
Point barre. Leur rôle parental s'est arrêté là. Ils ont égarer le reste du script. » Page 10 .

On se rend donc vite compte du peu d'estime que Walter a pour lui-même. C'est triste d'en arriver là et forcément sa nouvelle vie dans l'Ever va lui permettre de se donner une seconde chance. De devenir quelqu'un d'autres. De vivre tout simplement et d'exister en tant qu'individu. D'emblée, j'ai adoré Walter. Finalement il n'est qu'une victime du système Hollywoodien et j'ai apprécié qu'il tente ainsi de se démarquer à Doowylloh et de se donner un rôle capital dans cet univers. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Walter va découvrir beaucoup de choses sur lui-même en plus de servir de bouclier humains à plusieurs reprises.

En dehors de notre héros qui va découvrir l'amour, la peur, l'angoisse et la confiance en soi, Anthelme propose un univers délicieux. A Doowylloh chaque rêveur possède un "ça". Un objet ou animal qui lui est lié et qui n'est pas forcément très beau à regarder et parfois bien dangereux. J'ai d'ailleurs adoré celui de Walter qui m'a parfois fais penser au coffre à mille jambes des annales du disque monde pour son côté imprévisible et bouffe tout doublé d'un côté très câlin avec la gente féminine. 

Et s'il n'y avait que ça ! Entre les automates effrayants et dangereux, les rebelles, les créatures flippantes de l'univers, Anthelme nous propose un voyage au plus profond de nos rêves avec tout ce que cela comporte de belles comme de moins belles choses. 

" Dans un grincement de métal torturé, les portes ont ployés tels des pétales de fleur. Une silhouette aussi haute que grotesque les a aplaties sous sa bedaine. Et quelle silhouette ! On aurait cru un pudding mitonné avec les déchets d'un abattoir. Une ribambelle d'organes aux fonctions incertaines, pris dans un amas piriforme de gelée rosâtre. Des tentacules jaunes,  à pois bleus, hérissés de crocs, reniflaient le sol à l'aide de leur extrémité en trompe." Page 55.

Je ne vais pas vous gâcher le plaisir de découvrir cet univers intense, mais il ne vous laissera pas de marbre. En plus, j'ai trouvé génial que l'auteur garde son humour même dans ce roman. Walter est un vrai gaffeur, que ce soit dans ses décisions ou avec les femmes. Les situations sont drôles et on a la sensation que oui, Walter a loupé sa vocation de comique malgré lui. Un peu peureux, pas toujours très courageux et honnête, il tente de survivre dans sa vie éveillée, mais surtout dans sa vie rêveuse. Les rencontres de Walter sont tout aussi intense. Spleen, la dangereuse et sexy rebelle, Banshee, l'insaisissable qui va passer beaucoup de temps avec notre héros, John Doe, l'étrange second de Butch Smoke, un homme effrayant et très bizarre, ils sont nombreux, différents et pourtant tous aussi géniaux !

Je me demandais souvent où l'auteur allait amener Walter. Ce dernier découvre un monde inconnu et nouveau et d'emblée il lui arrive des problèmes parce qu'il fallait bien que cela tombe sur quelqu'un. Walter qui va devenir une cible, un jouet entre des mains plus expertes, mais qui cache toujours une douloureuse blessure en lui, qu'il va enfin réussir à guérir grâce à ce monde nouveau. Un univers sombre et violent où les morts sont nombreux et où la loi du plus fort domine. Le gouvernement ou ses ennemis, tous agissent dans le seul but de dominer brumaire et Walter va se retrouver malgré lui en plein coeur du conflit ! Utilisé tel un pion dans un échiquier il va devoir survivre à tellement de choses qu'on se demande à la fin comment il fait pour rester debout !

L'auteur ne prend pas des sentiers faciles pour nous faire découvrir l'histoire de Walter et à mes yeux j'ai eu la sensation de lire une histoire d'amour magnifique, mais impossible. Jusqu'au bout, l'auteur m'aura conforté dans mon idée et pour cela bravo ! Brumaire est encore plus ensorcelant, les thématiques sont intéressantes (la gloire, la célébrité, l'amour, les rêves, l’aboutissement de nos rêves) et la plume est sublime.  

Je ne peux que vous recommander de découvrir cet univers atypique, encore un ovni littéraire qui ne laisse pas de marbre. Et une vraie claque que je me suis prise. Une réussite de A à Z. Je me suis régalée et je me retiens de ne pas vous spoiler l'intégralité de ce roman jubilatoire !

Les plus :
- L'univers surprenant et unique
- Le héros qui n'en a pas l'étoffe mais plaira sans nul doute grâce à ses nombreuses ressources.
- L'intrigue surprenante du début à la fin 
- Le bestiaire et les personnages que rencontre Walter
- La critique de la célébrité et la douce romance cachée derrière un roman qui détonne !

Les moins :
- On en veut plus !

     

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